Sanctions contre le Burundi : la population “prise en otage”

IMG_7540La population burundaise ? « Comme prise en otage ! » L’alarme tirée par l’ONU ? « Étonnante ! » Le risque de génocide ? « Nous n’y croyions pas… » Présent à Bruxelles via l’ONG Entraide et Fraternité dans le cadre de la période du Carême, le président de la Conférence épiscopale du Burundi, Monseigneur Joachim Ntahondereye nous a accordé une interview fleuve. Continue reading

« Il n’y a pas de black-out médiatique au Burundi, l’info circule, des journalistes sont présents »

Après près de trois ans de crise, le collectif SOS Media Burundi tient toujours. Le travail de ces journalistes anonymes (et celui des autres journalistes toujours présents) permet de maintenir un minimum de lumière sur les exactions quotidiennes qu’endure la population rurale burundaise.

SMB

 

Que peut-on dire de l’état des libertés de la presse dans le pays ?

SMB : L’information est toujours confisquée. Il y a encore un travail effectué sur place, il y a toujours des journalistes : ceux d’Iwacu, des journalistes indépendants qui travaillent pour des sites web, bien sûr le collectif SOS Media Burundi,… Le travail se fait dans des conditions de plus en plus délicates. L’une des difficultés est qu’il y a une forme d’autocensure : on peut être témoin de faits, entendre des récits, recouper les informations mais y a-t-il la possibilité de tout sortir ? Ce n’est pas le cas. Il y a toujours la crainte de se faire repérer, arrêter. Le danger est quotidien. Il n’est pas constant, il augmente !

Il y a la question des sources, des informateurs qui se font de plus en plus rares parce qu’on est dans un pays de terreur. Si l’information est confisquée, c’est parce qu’au départ les gens n’osent plus dire les choses.

 

L’information est confisquée ? Le Burundi est-il une zone de black out médiatique ?

SMB : Il n’y a pas de black out, ça signifierait que l’information ne circule pas. Or, elle circule via les réseaux sociaux, Facebook, Whatsapp,…

Le danger augmente, on serait donc loin d’un retour au calme comme le clame le gouvernement ?

SMB : Nous sommes en crise, d’ailleurs nous utilisons le #Burundicrisis sur Twitter. On n’est pas dans le ‘Beautiful Burundi’ souvent utilisé par nos contradicteurs, par ceux qui sont contre la presse au Burundi. Il y a de plus en plus de corruption, de plus en plus de pression, d’oppression, d’exactions. La vie n’est pas un long fleuve tranquille au Burundi. Les pressions exercées sur les opposants sont évidentes. Nous collectons tous les jours des récits de personnes malmenées, parfois en pleine nuit, pourchassées. Et quand ce ne sont pas des opposants directement, ce sont leur famille. Tout ça ne se passe pas à Bujumbura mais à l’intérieur du pays, dans la ruralité. Il y a une présence de plus en plus forte des Imbonerakure (la jeunesse du parti au pouvoir, ndlr.). Ils revendiquent un rôle sécuritaire, ils exercent une pression, ils collectent des contributions. C’est ça la réalité du Burundi ! Et ces faits se multiplient jour après jour.

 

Il n’y a pas de justice qui s’exerce, on est face à des zones de non-droit. Même les pouvoirs administratifs locaux sont remis en cause par ces miliciens, par ces gens du parti au pouvoir.

Comment les journalistes parviennent-ils à assurer leur sécurité ?

SMB : Chez SOS, les journalistes travaillent clandestinement, ils n’apparaissent pas, ils font attention quand ils se déplacent, ils n’impliquent pas leurs proches, ils ont un rôle de vigie mais sont assez isolés et doivent respecter un tas de consignes de sécurité. Ils ont été entraînés à ça. Ils sont suivis sur les questions de cyber-sécurité.

 

L’attention médiatique internationale semble être passée en mode veille en ce qui concerne le Burundi. Cela rend-il votre travail plus compliqué ?

SMB : Il faut qu’on aie une visibilité de ce qui se passe au Burundi. A son niveau, SOS Media Burundi y contribue. La presse internationale, les grandes chaînes viennent au Burundi parce qu’il y a du sang, parce que c’est visible. Or, le massacre se poursuit, c’est devenu invisible. On tue les gens à petites doses, lentement. Et ça, c’est spectaculaire. Al Jazeera ne viendra pas pour des gens qu’on tue ici et là. S’il n’y a pas de révoltes visibles, s’il n’y a pas d’images,… Ces exactions, ces tortures, ces disparitions forcées, tout ça se déroule de façon feutrée. Encore faudrait-il que la presse puisse venir : les journalistes ne reçoivent pas de visa, un journaliste étranger n’a pas le droit d’entrer au pays. Ou alors il est obligé de demander un visa classique et on sait très bien que le Renseignement burundais est parfaitement au courant de qui est qui, qui fait quoi. C’est un service de renseignements particulièrement bien formé.

 

Dans ces conditions, parvenez-vous à recruter des journalistes ? A susciter des vocations ?

SMB : C’est très compliqué de faire venir de nouveaux journalistes. C’est quelque chose qui fait peur. La disparition de Jean Bigirimana du journal Iwacu inquiète. Par ailleurs, dans la situation actuelle, un recrutement est particulièrement délicat. On est obligé de faire attention à tout, y compris à des personnes se disant journalistes. On ne sait jamais à qui on a à faire.

Quelles sont vos relations avec le pouvoir en place ?

OSM : Aucune. On ne peut pas, nous sommes un collectif d’anonymes. Une seule personne est connue. Il n’y a aucun contact et c’est tant mieux comme ça.

Quid de vos rapports avec les autres médias présents sur place ?

OSM : Des collaborations doivent être possibles. Ca doit s’organiser. Tout le monde a intérêt à œuvrer de façon collective. Et cela vaut aussi bien pour les journalistes présents sur le terrain que pour les journalistes exilés. Il faut que toute la presse burundaise parle d’une seule voix. Il n’y a rien de pire qu’une profession qui avance désunie, se tirant dessus parce que ça profite au pouvoir.

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