Avant la route, l’embarquement

Les minibus couvrant les villes ou les routes du pays affichent généralement leur support à un club de football ou leur amour pour dieu

Les minibus couvrant les villes ou les routes du pays affichent généralement leur support à un club de football ou leur amour pour dieu

Voyager au Burundi comporte une part d’irréel. S’élancer dans les méandres collinaires pour découvrir un paysage différent mais quelque part identique à chaque sortie de virage, frissonner face au nombre toujours incroyable de camions couchés sur le flanc ou…. 

…ou ayant pulvérisé une maison, une statue, entendre les autres voyageurs s’égosiller sur votre chauffeur parce que celui-ci s’évertue à penser que Fangio était burundais et qu’il conduisait un minibus et que, oui, Fangio est une source d’inspiration pour tout conducteur qui se respecte.

Mais tout cela ne se découvre qu’à l’issue d’un préliminaire long comme un printemps sans fleur : la montée dans le bus. A Bujumbura comme à Ngozi ou Gitega, c’est une foire où celui qui crie le plus fort partira le premier. Un folklore fatiguant mais qui, s’il n’existait pas, ferait perdre de son charme à toutes les gares routières du pays.

Les quais, cette pièce de théâtre

Ainsi, croyez moi, tout cela n’est pas qu’un simple chaos. Les bus doivent partir les uns après les autres, si et seulement s’ils sont bien remplis. S’il reste une place, un demi-siège, le moindre millimètre à combler, pas de départ. Et si la chaleur vous étouffe, vous en serez pour vos frais. Il faut rentabiliser, les horaires existent pour ne pas être respectés.

Les rabatteurs s’engueulent, prêts à en venir aux mains mais sans ne jamais délivrer le premier uppercut. C’est un ballet où le premier volera les clients au second en criant plus fort, où un troisième bougera vite son bus pour piquer le nouvel arrivage de voyageurs au quatrième.

Coupez le son et vous avez un film muet sur lequel les pianistes d’alors s’en donneraient à cœur joie.

De l’eau, tu prendras

En attendant, les marchands ambulants vous proposeront de l’amazi (eau), des arachides ou des beignets. L’ambiance est un peu lourde, un chouïa étouffante, un brin électrique, ça vous rappelle les heures de pointe de la SNCB (Société Nationale des Chemins de fer Belges) en plein été.

Serrés comme des sardines, à quatre ou cinq sur des sièges ne pouvant, de toute évidence, comporter que trois personnes adultes, vous sentirez poindre la crainte de passer quatre heures ainsi bloqués.

Mais finalement, tout cela est extrêmement stratégique ! Il est nécessaire, que dis-je, indispensable de bien sélectionner votre siège lorsque vous vous engouffrerez dans le bus. Pour cela, autant être très à l’avance. Oui, l’attente sera longue, mais croyez-moi, elle vaudra la peine d’être endurée. C’est aussi là l’unique paramètre que vous pouvez maîtriser…

Ta place, tu ne céderas pas !

Ensuite, c’est de ceux et ce qui montent à vos côtés que dépendra le bien-être du trajet. Poules, valises en ordre dispersé, bébés, la rengaine est la même partout autour du monde.

Mais parfois, les éléments peuvent également se liguer contre vous. J’en tiens pour preuve cette anecdote vécue un dimanche matin à Ngozi.

En bon occidental que je suis, j’avais été me procurer un ticket direction Bujumbura la veille. J’arrivais donc ce matin-là, tranquillement sous un soleil agréable, à la station de bus faisant face au marché couvert de la ville. Le bus faisait la jonction depuis Kirundo, il s’agissait donc de prier pour qu’il reste de la place.

Au moment de voir le bus débouler, le nombre de voyageurs en attente avait grossi : une dame et sa fille, un jeune homme et son sac Bob Marley, un vieux monsieur au visage ridé et extrêmement photogénique et deux religieuses aux tissus bleu ciel. Tous achètent leur billet le matin-même pour descendre vers Bujumbura.

Le bus à peine parqué, comme en pleine heure de pointe de la STIB (service de transports internes à Bruxelles),

Marché central de Ngozi

Marché central de Ngozi

les passagers ne parviennent pas à descendre vu l’agglutinement des voyageurs prêts à en découdre pour avoir un siège.

Arrivent alors les deux sœurs, fendant la foule un peu plus difficilement que Moïse la mer rouge, jouant des épaules et des mains, ne détournant pas leur regard du Graal : les deux dernières places libres.

Jeune imbécile que je suis, trop poli et naïf , laissant passer devant moi ces deux nones, n’ayant pas compris que trop de tickets avaient été vendus par rapport au nombre de places disponibles, je me retrouvais coi sur le bord de la route. Je m’énervais intérieurement sur ces deux sœurs qui n’avaient donc de chrétiennes que l’apparat.

En regardant repartir le bus, une maxime me revenait à l’esprit « Charité bien ordonnée commence par soi-même ».

Votre voyage commence donc bien avant que la clé ne tourne (ou que les fils soient connectés) et que le moteur ne s’allume.

3 comments on “Avant la route, l’embarquement

  1. hahahahahaha! Merci Damien pour le reportage….Gilbert

  2. Steph says:

    Voyage avec volcano, ça n’arrivera plus :-), et/ou fait du gringue (et paye un bakchich) au convoyeur, ça ca marche du feu de dieu. testé et approuvé!

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